Une sélection parmi mes lectures des derniers mois:
– adaptabilité du système immunitaire, ou comment notre système immunitaire est plus largement façonné par notre environnement et les microbes que l’on rencontre que par nos gènes,
– profil de sécurité du vaccin HPV, ou comment une étude conduite en Suède et au Danemark n’a pas trouvé d’augmentation du risque de développer une sclérose en plaques ou autre maladie démyélinisante après avoir reçu le vaccin quadrivalent contre les papillomavirus humains.
- Adaptabilité du système immunitaire
Le système immunitaire des êtres humains présente une grande variabilité. Par exemple, les taux de globules blancs qui circulent dans le sang varient d’un individu à l’autre – tout en restant dans les limites de ce qui est normal pour une personne en bonne santé. On sait qu’à la fois des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux sont responsables de cette variabilité, mais il est difficile d’estimer à quel point chaque type de facteur contribue à façonner le système immunitaire. D’après une étude récente, il semblerait néanmoins que la variabilité du système immunitaire humain puisse en grande partie être attribuée à des facteurs non héritables. Autrement dit, l’environnement dans lequel nous vivons et avec lequel nous interagissons semble jouer un rôle plus important dans le modelage de notre système immunitaire que les gènes que nous héritons de nos parents.
Pour évaluer l’influence des facteurs héritables (génétiques) et non héritables (environnementaux) sur le système immunitaire, les chercheurs ont rassemblé 210 jumeaux dans leur étude: 78 paires de jumeaux monozygotes (“vrais” jumeaux) et 27 paires de jumeaux dizygotes (“faux” jumeaux). Ils ont ensuite collecté des données sur un grand nombre de paramètres immunitaires, la plupart ayant trait à l’immunité adaptative: quantités de cellules immunitaires de différents types circulant dans le sang, taux de protéines sériques (cytokines, chimiokines, facteurs de croissance) et profils de réponse des cellules immunitaires à une stimulation in vitro. L’analyse de toutes ces données a révélé que les paramètres étudiés variaient principalement à cause de facteurs non héritables et que les facteurs héritables (les gènes) n’avaient qu’une influence limitée. Les différences observées entre les systèmes immunitaires de vrais jumeaux âgés étaient plus importantes que celles observées entre les systèmes immunitaires de vrais jumeaux plus jeunes, montrant que l’impact des facteurs environnementaux sur le système immunitaire augmentait au cours de la vie. Les chercheurs ont aussi comparé des paires de jumeaux monozygotes qui n’avaient jamais été infectés par le cytomégalovirus (CMV) à des paires qui étaient discordantes pour l’infection (un des jumeaux était infecté, l’autre non). Ils ont alors observé que le fait d’être exposé au CMV avait une influence sur plus de la moitié des paramètres étudiés et que les vrais jumeaux qui étaient discordants pour l’infection au CMV avaient des systèmes immunitaires plus différents l’un de l’autre que les jumeaux qui étaient tous les deux non infectés.
Dans l’ensemble, les auteurs de l’étude suggèrent que les facteurs environnementaux, et en particulier les microbes que l’on rencontre, contribuent de manière cumulative à façonner notre système immunitaire au cours de la vie, pour finalement avoir un impact plus important sur notre système immunitaire que la plupart des facteurs héritables (les gènes).
(Brodin et al. Cell 15 January 2015. doi: 10.1016/j.cell.2014.12.020)
- Profil de sécurité du vaccin HPV
Depuis la mise sur le marché du vaccin quadrivalent contre les papillomavirus humains (HPV), de nombreux pays ainsi que l’Organisation Mondiale de la Santé recommandent aux jeunes filles et jeunes femmes de recevoir ce vaccin (la raison étant que le HPV est la cause principale du cancer du col de l’utérus). Des rapports de cas de sclérose en plaques ou autre maladie démyélinisante diagnostiquée chez des jeunes femmes ayant été vaccinées ont soulevé des inquiétudes quant à la sécurité du vaccin dans certains pays, en particulier au sein du grand public suite à l’importante médiatisation de ces cas dans ces pays. Cependant, rien ne permettait alors de savoir si ces rapports de cas représentaient effectivement une vraie augmentation du risque de développer une maladie démyélinisante suite au vaccin contre le HPV, ou s’ils ne faisaient que refléter le taux d’incidence de base de ces maladies chez les jeunes filles et femmes en général.
Une étude conduite en Suède et au Danemark à l’échelle nationale a maintenant rassemblé des données pour répondre à cette question et n’a trouvé aucune association entre le vaccin quadrivalent contre le HPV et le développement d’une sclérose en plaque ou autre maladie démyélinisante du système nerveux central. L’étude, basée sur des données issues des registres nationaux de population suédois et danois, comprend environ 4 millions de femmes (âgées de 10 à 44 ans), dont environ 800 000 ont été vaccinées. Les chercheurs ont suivi ces femmes de 2006 à 2013, comptabilisant les vaccinations et les diagnostiques de sclérose en plaques ou autre maladie démyélinisante. L’analyse de ces données a révélé qu’il n’y avait pas d’augmentation du risque de développer une maladie démyélinisante dans les deux ans qui suivaient la vaccination contre le HPV. Les chercheurs ont également étendu leur analyse en considérant quatre périodes possibles de risque (0-6 mois, 6-12 mois, 1-2 ans, et plus de 2 ans après avoir reçu le vaccin) et ont obtenu des résultats similaires (pas d’augmentation du risque).
(Scheller et al. JAMA 6 January 2015. doi: 10.1001/jama.2014.16946)